Les moyens de transport en 1900

Les chemins de fer ont encore étendu leurs réseaux tandis que leurs auxiliaires dans les cités populeuses, les tramways, se sont multipliés grâce surtout à l’emploi de la traction mécanique et électrique. Le matériel des chemins de fer, l’Annexe de Vincennes en fournit la preuve, a été notablement perfectionné depuis l’Exposition de 1889. On remarquera surtout l’application de plus en plus étendue du principe compound aux locomotives, pour en accroître la puissance. Le confort que les voyageurs sont en droit d’exiger des Compagnies de chemins de fer, commence à préoccuper celles-ci.

De beaux spécimens de voitures à voyageurs nous font espérer la mise au rebut prochaine d’un matériel datant presque de la création des chemins de fer et dont 011 fait encore trop souvent usage sur des lignes d’intérêt secondaire en France.
D’autres moyens de transport ont été perfectionnés ; les canaux notamment ont vu s’accroître le tonnage des marchandises qui empruntent ces voies navigables et cet accroissement est dû en grande partie à l’établissement d’écluses qui rachètent actuellement des différences de niveau très considérables. Toutefois, l’emploi de l’électricité pour la traction sur les canaux ne semble pas avoir donné les résultats qu’on aurait pu en espérer il y a dix ans ; par contre les moyens que la Mécanique met de nos jours à la disposition des Ingénieurs chargés d’assurer la navigation sur les canaux se sont accrus depuis l’Exposition de 1889. C’est ainsi qu’aux trois ascenseurs pour bateaux, connus avant 1889, on peut ajouter celui de Henrichenburg sur le canal de Dortmund à l’Ems.
La Navigation maritime n’est pas restée en arrière; l’outillage des ports se perfectionne constamment; la construction des navires de commerce progresse avec le tonnage des marchandises qu’ils doivent transporter.
Quant à la Navigation aérienne elle semble être sortie de la période d’essais pour entrer dans une phase nouvelle qui permet d’entrevoir dans un avenir peu éloigné la solution pratique des questions multiples qu’elle soulève. Toutefois, l’Exposition de 1900 a dû être une déception pour beaucoup de visiteurs qui espéraient y voir figurer des appareils nouveaux.
Les industries qui dérivent de l’Agriculture donnent un rendement supérieur en quantité et en qualité grâce à l’utilisation des procédés de culture rationnels. L’emploi de moyens mécaniques, voire de l’électricité, a permis de réaliser de grands perfectionnements dans les divers travaux agricoles.
L’outillage de l’exploitation forestière est sorti de la routine plusieurs fois séculaire et la lutte contre le déboisement se poursuit avec beaucoup de succès pour le plus grand bien des habitants des vallées. Pour beaucoup de personnes, les Expositions de certains pays étrangers contiennent des révélations à ce sujet.

tracteur-1900
La Meunerie et la Boulangerie, la Distillerie et la Brasserie, la Laiterie et l’Industrie fromagère mettent actuellement en pratique les enseignements recueillis dans les laboratoires scientifiques.
Le domaine si vaste des Mines et de la Métallurgie n’est pas resté en arrière du mouvement de progrès. Bien que depuis l’invention du procédé basique nous n’ayons à signaler aucun progrès notable dans la production de la fonte, les fonderies se sont très puissamment outillées pour faire face à la demande de jour en jour grandissante du fer et de l’acier.
Des aciers spéciaux dont la Guerre et la Marine font une consommation considérable sont fabriqués de nos jours avec une perfection qui semble ne rien laisser à désirer.
Les méthodes d’essai des métaux usuels sont bien près d’être unifiées suivant les vœux émis par plusieurs Congrès internationaux réunis à l’occasion de l’Exposition de 1889.
Dans l’exploitation des Mines, l’emploi de l’électricité en général et des courants polyphasés en particulier, a permis de réaliser de grands progrès. Toutefois, l’expérience des deux années qui viennent de s’écouler, et où le manque de charbon s’est fait si vivement sentir, doit encourager les Ingénieurs qui exploitent des mines de charbon à persévérer dans la recherche de méthodes d’extraction de plus en plus perfectionnées.
Parmi les industries qui ont le plus profité de l’émulation qui s’exerce entre concurrents de différents pays, la Filature et le Tissage occupent sans conteste une place des plus en vue.
L’obligation de se conformer aux lois protectrices du travail, tout en abaissant le prix de revient d’objets de première nécessité qu’ils produisent, a incité les industriels à renouveler et à perfectionner leur outillage depuis l’Exposition de 1889. Aussi trouvera-t-on dans le Palais du Champ de Mars affecté à la Filature et au Tissage des machines très bien adaptées aux besoins multiples qui naissent de la concurrence, mais dont un trop grand nombre marchent à vide.

Mercedes 35 PS
Des textiles nouveaux ou qui n’étaient que peu connus en 1889 sont actuellement utilisés pour la filature et le tissage et leur emploi a donné lieu à la création de métiers et d’appareils parfois très ingénieux.
La grande industrie chimique ne s’est pas laissé distancer par celles que nous venons de passer en revue. L’utilisation des résidus jusqu’alors réputés inutilisables a fait encore des progrès depuis 1889. Toutefois un certain nombre d’industries semblent lutter avec difficulté contre les procèdes nouveaux, étant donné le prix élevé du combustible. Nous estimons qu’il est équitable de rendre justice aux recherches de certains industriels dont les efforts tendent à l’abaissement du prix de revient des produits chimiques.
L’industrie du gaz d’éclairage est prospère malgré la concurrence que lui fait l’éclairage électrique. Cela est dû, d’une part, nous l’avons déjà vu, au nombre toujours croissant de moteurs à gaz et, d’autre part, à la mise en pratique de la lumière à incandescence.
Grâce à l’industrie des automobiles et des vélocipèdes, les applications du caoutchouc s’étendent d’année en année et des esprits prévoyants expriment déjà la crainte de voir la matière première s’épuiser. Des succédanés de ce produit indispensable sont recherchés par plusieurs savants et il semble que ces recherches doivent être bientôt couronnées de succès.
Les machines frigorifiques se répandent dans les colonies; les brasseries modernes ne peuvent plus s’en passer. Un nouveau produit réfrigérant est venu s’ajouter à ceux qui étaient connus en 1S89; nous voulons parler de l’air liquide dont la production industrielle ne nécessite que des frais relativement minimes.
Enfin les questions coloniales et celles qui intéressent la Guerre et la Marine méritent d’occuper, bien plus que par le passé, l’attention de l’Ingénieur. La plupart des peuples civilisés ont agrandi depuis 10 ans leur domaine colonial et de vastes champs ont été ouverts à l’activité de l’Ingénieur. Il en est résulté pour celui-ci l’obligation de créer des types d’habitations propres aux colonies et de les adapter aux climats les plus divers.
L’armement se perfectionne constamment grâce à l’invention de nouveaux dispositifs et à l’emploi d’explosifs nombreux. Les marines de guerre, outre qu’elles ont porté leur matériel naval à un degré de perfectionnement prodigieux, mettent actuellement à l’essai, et avec succès, des types de navires sous-marins qui, au dire des gens compétents, doivent apporter des modifications profondes dans la tactique des futures guerres maritimes.
Pendant l’Exposition, venant utilement compléter les leçons de choses résultant pour l’observateur des objets exposés eux-mêmes, des Congrès internationaux où l’on doit traiter les principales questions qu.i intéressent l’Ingénieur apporteront des enseignements utiles à recueillir. Nous nous ferons un devoir de tenir les lecteurs de notre Revue au courant des travaux les plus importants qui seront présentés à ces Congrès, et nous aurons la possibilité, grâce à l’obligeance de leurs auteurs respectifs, d’en incorporer un certain nombre dans les différents volumes de la Revue technique de l’Exposition universelle de 1900.

avion-1900
Si nous jetons un coup d’œil rapide sur l’ensemble de l’Exposition de 1900, au moment où elle bat son plein, nous sommes heureux de pouvoir constater la grande part que notre pays à prise dans l’élaboration de cette œuvre immense. Toutefois, la satisfaction qu’on éprouve à étudier en détail les diverses expositions est mitigée par des regrets, dont nous allons, en toute franchise, indiquer la cause.
Le premier défaut, inhérent aux exhibitions de ce genre, c’est l’encombrement des bâtiments, des édicules et des objets exposés. A certaines heures, l’homme d’étude éprouve beaucoup de difficulté à se frayer le passage à traverser la foule, resserrée dans d’étroits couloirs, entre des kiosques et des bâtisses, dont la suppression eût été préférable à tous les points de vue. D’autre part, quel intérêt y avait-il à grouper, sur des longueurs parfois démesurées, des objets disparates, que l’on pouvait tout aussi bien admirer dans les vitrines des grands boulevards et d’autres voies parisiennes ? Le Palais des Fils, Tissus et Vêtements a été tout à fait détourné de sa destination par le genre d’exposition qu’il contient. Et il n’est malheureusement pas le seul. Son pendant, sur le Champ de Mars, le Palais du Génie civil, si bien conçu d’ailleurs, contient, à côté des objets les plus intéressants, une multitude de véhicules, dont une Exposition sérieuse aurait pu très bien se passer.
Quant aux Pavillons de certains pays étrangers, mieux vaut n’en pas parler. Nous en avons dit quelques mots au début de cette introduction. Ajoutons que l’Administration n’aurait jamais dû tolérer l’installation, dans quelques pavillons dont il s’agit, des commerçants dont la présence était tout au moins inutile.
Un autre grief, adressé souvent à l’Administration supérieure et que nous ne saurions passer sous silence, c’est le défaut qu’on remarque dans la classification générale des objets exposés.
Il est en effet impossible de dissimuler que celle de l’Exposition de 1889 nous a paru supérieure, tout au moins sur un point. Nous voulons parler de l’ordre dans lequel sont présentés les deux groupes aussi importants que celui des Industries extractives et celui du Matériel et des procédés de la Mécanique et de l’électricité. Il est absolument certain que l’homme a d’abord extrait le minerai, l’a ensuite transformé en fonte et finalement a confectionné, avec le fer et l’acier, les machines, les rails, etc. Or, dans la classification de l’Exposition de 1900 que, pour des raisons que nos lecteurs comprendront facilement, nous avons dû adopter également, le groupe IV (Matériel et Procédés généraux de la Mécanique), le groupe V (Électricité), le groupe VI (Génie civil et Moyens de transport), précèdent l’Agriculture (groupe VII) ainsi que les Mines et la Métallurgie (groupe XI).
S’il nous était permis d’indiquer une classification rationnelle des objets exposés, nous suggérerions aux futurs organisateurs d’Expositions l’ordre suivant: Éducation et Enseignement; Procédés des Sciences, des Lettres et des Arts ; Œuvres d’Art; Industries extractives (Agriculture, Mines, etc.); Génie civil et Moyens de transport ; Mise en œuvre des produits fournis par le sol (Métallurgie, Chimie); Mécanique; Électricité, etc. On voit, par cette énumération rapide, que la classification qui semble suivre l’ordre naturel des inventions de l’homme, coïncide assez bien avec celle adoptée pour l’Exposition de 1900 quant aux premiers groupes et aux derniers (I à III et XIII à XV).
Mais ces griefs, après tout secondaires, ne peuvent pas nous faire oublier le grand effort accompli à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900 et le succès mérité qu’on peut dès à présent constater. En parcourant les nombreux volumes de notre Revue, les lecteurs voudront, nous l’espérons du moins, ratifier ce jugement et reporter tout le mérite de la réussite à M. le Commissaire général Picard et à ses collaborateurs.

Pour marque-pages : permalien.
Un petit "J'aime" fait toujours plaisir !

Les commentaires sont fermés.